Quelques repères sur les alternatives proposées par la recherche pour gérer les risques
Nous l’avons vu avec la Covid-19, les crises sont imprévisibles et doivent être gérées dans un monde complexe avec des organisations devenues elles-aussi de plus en plus complexes.
Cette dimension de la complexité des systèmes fait l’objet de nombreuses recherches scientifiques depuis le milieu des années 80 et proposent de nouvelles alternatives pour gérer les risques. Panorama de ces différents courants… pour peut-être y piocher des pistes pour le futur.
| La théorie des accidents normaux |
Année : 1984
Initiateur : Charles Perrow
Selon cette théorie, les organisations à hauts risques atteignent des niveaux de complexité tels que les accidents en deviennent inéluctables, ils font partie du « fonctionnement normal » du système. Charles Perrow parle même d’un « potentiel catastrophique » qui augmente selon la complexité organisationnelle et l’essor des technologies. Pour lui, seules des contraintes règlementaires, voire l’arrêt de certaines activités, peuvent protéger la société de futures catastrophes.
| High Reliability Organisation (HRO) |
Période : Années 1990
Initiateurs : Todd Laporte, Karlene H. Roberts, Gene I. Rochlin
En réponse à la théorie des accidents normaux, le modèle des organisations à « haute fiabilité » (HRO) s’est intéressé à l’étude d’organisations dites « ultra-sûres » : des organisations avec des technologies à haut risque qui ont pourtant très peu d’accidents (centrales nucléaires, porte-avions, etc.).
Ce modèle met en avant la sécurité comme composante de la performance et est intégrée dans les pratiques professionnelles quotidiennes. Les scénarios d’accidents sont connus et travaillés. Ce modèle distingue 5 piliers pour manager l’imprévu :
- L’attention portée aux erreurs et échecs, pour alimenter le retour d’expérience (REX) ;
- Le refus de sur-simplifier les problèmes, afin d’éviter les solutions trop simplistes qui ne répondraient pas aux enjeux des situations complexes ;
- L’attention portée aux opérations, afin de connaître ce qu’il se passe réellement sur le terrain et prendre les décisions adéquates ;
- La considération de l’expertise, c’est-à-dire que les décisions ne se prennent pas en fonction de la position hiérarchique mais de l’expertise nécessaire ;
- L’engagement dans la résilience, en développant les capacités de chacun et de l’organisation à faire face aux imprévus et à rebondir lorsque le système est déstabilisé.
| Resilience Engineering |
Période : Années 2000
Initiateurs : René Amalberti, Erik Hollnagel, Jean Pariès, David Woods, etc.
Cette théorie repose sur la nécessité pour les organisations de système complexe de gérer l’imprévisible, d’être capable de rebondir, de se transformer pour survivre. Construire une organisation résiliente se joue dès la conception du système.
La résilience repose sur un certain nombre de leviers : analyser les activités courantes et les compensations du quotidien, créer et piloter des marges, générer du lien social, du sens partagé, une fierté d’appartenance, favoriser la diversité, développer l’expertise et l’expérience des salariés.
| Safety 1 - Safety 2 |
Période : Années 2010
Initiateur : Erik Hollnagel
Une vision classique de la sécurité (Safety 1) consiste à examiner une infime partie des situations de travail : celles qui génèrent des accidents. Safety 2 propose de changer de regard et d’analyser les facteurs qui permettent à l’immense majorité des situations de se dérouler en sécurité, de se concentrer sur ce qui fonctionne pour en faire un réservoir d’apprentissage.
Cette théorie propose donc d’analyser les facteurs de réussite de la sécurité, en s’attachant particulièrement à la réalité des opérations quotidiennes et à l’intervention humaine.
| Safety differently |
Période : Années 2020
Initiateur : Sidney Dekker
Ce courant repose sur la nécessité de désencombrer la sécurité de la bureaucratie et de la procéduralisation (règlementation, audits, normes, certification). Il repose sur la confiance dans l’expertise des travailleurs, de ceux qui sont en situation de travail réel, et qui sont à même de prendre les bonnes décisions. Il s’appuie également sur une gouvernance et un leadership innovants basés sur le lien social, l’autonomie et l’engagement du personnel.
DOSSIER - La crise de la Covid-19 : un révélateur et accélérateur de changements pour la gestion des risques
PARTIE 1 : L'industrie face à la crise de la Covid-19
- #1. Adapter les organisations pour maintenir un haut niveau de sécurité dans l’industrie
- #2. Les nouveaux enjeux du management pendant la crise
- #3. Décider dans l'incertain, comment faire ?
PARTIE 2 : Comment se préparer aux prochaines crises ?