Décider dans l’incertain, comment faire ?

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Décider dans l’incertain, comment faire ? Décider dans l’incertain, comment faire ?

Pendant la crise de la Covid-19, les décideurs, les managers, les opérateurs se sont tous retrouvés confrontés à des situations inédites, où l’on ignorait ce qu’il fallait faire. Il a fallu, à tous les niveaux, s’adapter, gérer et décider dans l’incertain. S’ils sont (trop) peu souvent actionnés ou méconnus, de véritables leviers pour gérer la sécurité et décider dans l’incertain existent pourtant.

| Mise en avant de la « sécurité gérée » |

Nous le savons, en temps normal, une entreprise doit trouver le juste équilibre entre sécurité réglée et sécurité gérée.
Mais en temps de crise, cet équilibre initial est perturbé. Les salariés des entreprises ont pu avoir besoin davantage de marges de manœuvre pour gérer au mieux localement cette situation inédite. Cela a été le cas dans certains secteurs d’activité, comme le BTP, où la mise en avant du « géré » a été assumée pendant cette crise. Il était nécessaire de donner au management local les compétences et ressources pour gérer les imprévus. Il a fallu réagir parfois différemment de d’habitude, mais aussi organiser et piloter différemment le travail pour faire face à l’inédit et à l’incertain.

 

En temps de crise, l’équilibre entre le réglé et le géré doit pouvoir être revu selon le contexte. Le modèle n’est pas unique ni figé, il doit faire partie des arbitrages pour maintenir la sécurité.

 

Les attributs d’une culture de sécurité performante

Miser sur l’expertise et le professionnalisme

Accepter de donner en temps de crise une place plus importante au géré et sortir du suivi procédural parce que la situation n’a pas été pensée et procéduralisée pour ce cas-là, c’est miser sur l’expertise des salariés.

Gary Klein, expert en psychologie cognitive et à l’origine du courant de pensée « Naturalistic Decision making », a réalisé de nombreuses recherches scientifiques dans les années 80 sur les processus de prise de décision. Il montre que les experts confrontés sur le terrain à des situations de stress, de pression ou d’incertitude (le pompier, le chirurgien, le pilote d’avion ou le conducteur de train) ne prennent pas leurs décisions selon un modèle rationnel, mais en fonction de leur expérience accumulée tout au long de leur carrière.

Leurs prises de décisions relèvent ainsi davantage de l’intuition, qui est une manifestation de l’expérience et de la connaissance spécialisée :

An introduction to Naturalistic Decision Making and the Recognition-Primed Decision Model”

 

Ce modèle de prises de décision, basée sur l’expérience et le professionnalisme des individus, apparaît comme un levier particulièrement intéressant à actionner en temps de crise, puisque les situations sont complexes, marquées par une forte incertitude et/ou par la nécessité de devoir prendre une décision rapide pour maintenir la sécurité.

Conseil de lecture sur l’expertise, le réglé et le géré

René Amalberti, directeur de la Foncsi, a rédigé une « Tribune de la sécurité industrielle » éclairante sur ce sujet :

Professionnels, experts et super experts : un éclairage supplémentaire sur « sécurité réglée-sécurité gérée »

| Se former pour faire face aux crises de demain |

Se former à la sécurité, non pas en anticipant le champ des possibles des accidents, mais en développant l’expertise face aux risques… Apprendre à réagir face à l’inconnu, à l’incertain. Il y a là une piste opérationnelle concrète pour la formation en sécurité.

Plutôt que d’anticiper (avoir fait la revue de tous les scénarios d’accidents possibles), il faut apprendre à réagir, à prendre des décisions en situations inconnues et complexes. Comment ? En développant l’ « imaginaire en sécurité ».

Dans le cahier de la sécurité industrielle "La sécurité : une affaire de professionnels ?" de la Foncsi, on peut lire : « Le risque et sa perception sont des notions complexes. Or, on ne peut prendre de « bonnes » décisions en termes de sécurité qu’en étant conscient des conséquences potentielles de ces décisions, ce qui repose sur une bonne détection, compréhension et analyse des risques. Celles-ci ne doivent pas être uniquement dictées par des schémas de pensée prescrits. Si ces derniers sont d’une importance cruciale pour la sécurité dans la plupart des cas quand la situation a déjà été rencontrée et/ou a pu être anticipée (sécurité réglée), il faut savoir/pouvoir s’en éloigner, être en capacité d’imaginer, pour pouvoir faire le bon choix en cas de situation imprévue/inconnue (sécurité gérée). »

Concrètement cela veut dire par exemple proposer et suivre des formations pratiques, basées sur la simulation où l’activité est perturbée et dégradée, et ainsi favoriser des réponses imaginatives. Se former à l’incertain, c’est miser sur le professionnalisme en sécurité.

Conseil de lecture sur la formation et le professionnalisme

Suite à l’analyse stratégique sur la « Professionnalisation et la sécurité », la Fondation de recherche Foncsi a publié un « Cahier de la sécurité industrielle ».

La sécurité : une affaire de professionnels ? Intégrer la sécurité aux compétences professionnelles

DOSSIER - La crise de la Covid-19 : un révélateur et accélérateur de changements pour la gestion des risques

PARTIE 1 : L'industrie face à la crise de la Covid-19

PARTIE 2 : Comment se préparer aux prochaines crises ?

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