Vers un nouveau monde industriel et une nouvelle société du risque
Le monde de demain fera face à de multiples défis : climatiques, géopolitiques, énergétiques, sociétaux… Les industries à risque devront s’adapter à de nombreux changements et un nouveau monde industriel se dessinera au fil du temps. Dans ce monde en transition, la sécurité industrielle devra être préservée. La vision qu’en ont les citoyens est devenue centrale, et ils attendent qu’elle se tienne dans un espace neutre, protégé, transparent et performant.
| La sécurité industrielle de demain, enjeux et défis |
Ces 20 dernières années, les questions des facteurs organisationnels et humains de la sécurité et de la culture de sécurité ont été centrales. Mais de nouveaux défis apparaissent de manière conjointe avec une complexité du travail accrue.
L’environnement des industries à risque est en pleine mutation. Les entreprises se recentrent sur leurs points forts, leurs cœurs de métier, et sous-traitent de plus en plus leurs activités, créant ainsi un véritable réseau d’acteurs. Le travail engage souvent plusieurs entreprises, avec chacune des compétences propres, rassemblées dans un même espace, physique ou en ligne, avec chacune leurs chaines hiérarchiques, leurs cultures et usages. Ainsi, on peut se questionner sur la place de la gestion de la sécurité et de son partage au sein de ces réseaux.
Ce modèle où l’on est fidèle à son entreprise et où l’on s’engage pour très longtemps, ce n’est plus vraiment la réalité, en tous cas pour toute une partie des personnes qui sont aujourd’hui sur le marché du travail. Cela pose des questions sur la capitalisation de l’expérience, du savoir-faire, les procédures mises en place, la façon dont on s’organise.
Cédric Bourillet, directeur général de la prévention des risques, ministère de l’Écologie
Le recours massif aux nouveaux outils numériques bouleverse également les manière d’envisager le travail et la gestion de la sécurité. Outils intelligents, automatisation, big data, IA… L’accélération technologique, avec la puissance de calcul et de gestion des données, permettra sans doute des gains significatifs en fiabilité et sécurité industrielle… Mais avec des effets collatéraux : ces mutations interrogent sur la place et le rôle de l’humain et de ses compétences, dans le management, mais aussi dans la gouvernance de la sécurité.
Dans le même temps on observe une libéralisation et une évolution des cadres règlementaires, qui renégocient la place et la gestion de la sécurité entre autorités et industriels. Les autorités délégant de plus en plus la gestion des risques aux industriels, à travers une bascule entre obligation de moyens et obligation de résultats
L’un de nos enjeux dans cette transformation sociétale, c’est de nous assurer qu’avec toutes nos équipes, même si elles travaillent en entreprise étendue, en digital, […] malgré ça, nous ne perdions pas le réflexe de la sécurité.
Luc Rémont, président directeur général du groupe EDF
| Un nouveau rapport à la sécurité |
Au-delà de ces mutations propres aux entreprises, c’est toute la société qui change rapidement et profondément. Les nouveaux enjeux se multiplient, dictés par la transition énergétique, le changement climatique.
De manière notable, les riverains des sites à risques sont de plus en plus attentifs à leur environnement direct, et aux nuisances potentielles liées à la cohabitation avec les entreprises industrielles. Au-delà même du risque immédiat et critique, c’est la question de la relation santé / environnement qui devient fondamentale.
Au sein des entreprises, ces mutations un impact majeur sur la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences. L’offre de l’entreprise sur sa qualité de vie au travail et son engagement sociétal deviennent un élément de choix déterminant des salariés, particulièrement dans un marché tendu des compétences. Cet aspect a un impact sur la sécurité et sa gestion. Un manque d’effectifs ou de compétences devient crucial, particulièrement dans les industries à risque, et peut entraîner des conséquences majeures.
Grâce à l’utilisation des data, nous arrivons maintenant à prévenir le risque de ce qu’on appelle un kick dans un puit de pétrole, et nous sommes parvenus à ne plus avoir d’incident. On montre des progrès très importants, très concrets, très pratiques.
Patrick Pouyanné, président directeur général de TotalEnergies
Au-delà des individus, c’est le contexte à la fois réglementaire et sociétal qui évolue et oblige les entreprises à se questionner sur ces nouveaux enjeux. Les entreprises sont observées, à la fois par l’État et l’Europe concernant leur stratégie de décarbonation active, qui doit être mis en place à court et moyen terme. Ce sont également les marchés financiers qui exercent leur pression pour un comportement toujours plus transparent et vertueux autour des critères environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG). Les directions sont amenées à s’engager ouvertement sur le respect d’une éthique de la gestion des risques.
L’évolution réglementaire effrénée dans laquelle s’inscrivent aujourd’hui les Européens […] rend le système hyper statique. Dans un monde qui est en changement extrêmement rapide ‒ le changement climatique en étant un ‒, être hyper statique, c’est être incapable de s’adapter au changement.
Guillaume Faury, Chief Executive Officer (CEO) d’Airbus
Cet ensemble de mutations a d’ores et déjà un impact fort sur la sécurité et sa gestion. Une refonte profonde de la manière d’envisager son environnement et son contexte en tant qu’industrie à risque devient indispensable. Comme autant de défis qui attendent les entreprises à risque lors des prochaines années, ces enjeux sont aussi potentiellement générateurs de nouvelles problématiques, que les entreprises et la société se devra d’adresser.
Il faut dialoguer et échanger avec les citoyens comme ce qu’ils sont, c’est-à-dire des adultes. Trop souvent dans la communication, notamment industrielle ou administrative et celles des collectivités ou des pouvoirs publics, il y a une espèce d’atermoiement, entre l’excès de technicité incompréhensible et la langue de bois. Dans les deux cas, ce n’est pas très satisfaisant.
Nicolas Mayer-Rossignol, président de la Métropole Rouen Normandie et maire de Rouen
Vidéo
Vers un nouveau monde industriel et de nouvelles exigences citoyennes