Quels défis pour la sécurité industrielle de demain ? Des propositions issues de la recherche.

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Quels défis pour la sécurité industrielle de demain ? Des propositions issues de la recherche. Quels défis pour la sécurité industrielle de demain ? Des propositions issues de la recherche.

Le monde change, tant d’un point de vue technologique, industriel que sociétal ou environnemental. À l’horizon 2040, le paysage de la sécurité industrielle sera probablement lui aussi radicalement bouleversé. Ainsi faut-il dès maintenant penser les nouveaux modes de production, les nouvelles organisations et les nouveaux profils professionnels qui seront nécessaires pour travailler en sécurité. C’est pour anticiper et évaluer l’impact de ces mutations que la Fondation pour une culture de sécurité industrielle (Foncsi) ‒ partenaire historique de l’Icsi ‒ a mené un travail de recherche publié en mai 2023 sur la génération des travailleurs à venir à l’horizon 2030-2040.

 


Déjà visibles et appelées à s’intensifier, les évolutions du monde sont colossales : changement climatique, mutations socio-démographiques et sociétales, (r)évolution technologique (digitalisation, IA, big data, automatisation, systèmes autonomes etc.), transformations industrielles et socio-économiques majeures (mondialisation, division du travail, redistribution des pouvoirs, etc.).
Ces évolutions radicales du monde impactent aussi la sécurité, notamment sur trois de ses dimensions essentielles :

  • La nature des risques et les modèles de sécurité,
  • La culture de sécurité,
  • Et la gouvernance de la sécurité.

Comment les industries à risque doivent elles se préparer à de tels changements pour faire face, en sécurité, à un futur complexe, instable et incertain ? 


| Les 7 défis qui attendent les organisations |

1. La complexité, l’incertitude et l’instabilité croissantes du monde impacteront la sécurité

Les évolutions technologiques globales permettent une réelle amélioration de la sécurité, mais on constate également des effets de bord qui génèrent de nouvelles vulnérabilités : cyberattaques, perturbations géopolitiques, cohabitation de plusieurs générations de technologies au sein d’un même système etc. 


2. Les qualités uniques des opérateurs humains seront toujours nécessaires à la sécurité

Malgré l’essor technologique fulgurant, l’humain demeure un maillon indispensable de la sécurité. Il possède notamment une faculté d’adaptation à la situation qui permet à un système complexe de continuer à fonctionner malgré certaines failles dans l’organisation. L’intelligence artificielle (IA) et sa capacité à apprendre de manière autonome, pouvant générer de nouvelles incertitudes, il est impératif que l’humain garde le contrôle et conserve la responsabilité de la prise de décision. Les valeurs propres à l’humain (éthique, morale, créativité, empathie, intelligence collective, adaptabilité, etc.) demeurent essentielles à la sécurité.


3. Le « challenge de compétences », y compris pour assurer la sécurité, sera considérable

Le déploiement de technologies type intelligence artificielle, Internet of Things (objets connectés), dispositifs autonomes, rend incontournable l’évolution des compétences humaines. On observe déjà une transformation de l’emploi avec la disparition de certains métiers et la création de nouveaux... La formation et le recrutement de personnels possédant les compétences adaptées, le maintien et le suivi des compétences sont des questions majeures auxquelles les organisations sont déjà confrontées. 




Nous avons développé des outils avec l’intelligence artificielle qui nous permettent d’identifier les chantiers en voirie, et de détecter grâce à des algorithmes ceux qui paraissaient les plus sensibles. »

Laurence Poirier-Dietz, directrice générale de GRDF



4. Les décalages de culture organisationnelle et générationnelle mettront la culture de sécurité à l’épreuve

L’allongement de la durée légale du travail qui crée des écarts générationnels importants chez les travailleurs, l’évolution des modalités de travail, le développement de la mobilité professionnelle, le recours généralisé à externalisation peuvent affaiblir la culture de sécurité partagée au sein des entreprises.  La construction d’une culture de sécurité durable peut également être menacée dans des organisations fragmentées et diversifiées dont les objectifs peuvent différer, et où le sentiment d’appartenance à une organisation diminue.


5. Les parties prenantes de la sécurité se multiplieront et se diversifieront

Les bouleversements techniques, avec notamment la révolution numérique, contribuent à la fragmentation des organisations initiée de longue date et au floutage des frontières entre elles. Les industries à risque deviennent dépendantes de nouveaux acteurs externes, pour lesquels la sécurité n’occupe pas nécessairement une place prioritaire. En parallèle, on observe une montée des exigences de la société en matière de santé, d’environnement et d’éthique ‒ voire un rejet des industries à risque ‒, et une volonté croissante d’implication des citoyens dans la gouvernance des risques industriels et des pollutions. 


6. Le modèle de gouvernance basé sur le triptyque réglementation-contrôle-certification sera revisité

Les autorités de contrôle et de régulation font face à un manque croissant de compétences de haut niveau, rendent plus difficile leur accès aux données stratégiques. De plus, par manque de moyens, elles se retrouvent contraintes à adopter certaines normes et standards issus du secteur privé. Un pouvoir accru des acteurs économiques par rapport à celui de l’État, pourrait conduire à un risque de « capture » des autorités de régulation qui remettrait en cause leur indépendance en matière de gouvernance de la sécurité. Enfin, parmi les enjeux liés aux évolutions technologiques, la certification de l’IA représente un défi majeur et questionne la sécurité.


7. L’approche actuelle et dominante de la sécurité fondée sur l’anticipation et le prescrit sera bousculée

Si aujourd’hui la gestion de la sécurité est largement basée sur l’anticipation, la réduction de l’incertitude, le respect des règles et la justification externe, relevant ainsi d’une sécurité « telle que démontrée », elle pourrait tendre dans un futur proche vers une approche de la sécurité « telle que pratiquée ». Ce modèle repose davantage sur des pratiques résilientes d’adaptation à une réalité instable et incertaine, avec des pratiques de gouvernance plus complexes. 




Le partage des évènements et de leur analyse est un des fondements du système mondial de sécurité aérienne. Il en va de même pour la prise en compte et l’analyse des risques, notamment les risques émergents [...]. L’ensemble de l’industrie se mobilise face à ces nouvelles situations et il est fondamental de partager nos expériences. »

Anne Rigail, directrice générale d’Air France


| Des pistes pour appréhender la sécurité industrielle de demain |

Le constat dressé annonce de réels défis pour être au rendez-vous de la sécurité dans le monde de demain. Il invite à renouveler le regard sur la sécurité, à l’aborder de façon plus ouverte à favoriser une vision d’ensemble, qui ne la dissocie pas des autres enjeux stratégiques.

Cette approche implique tout d’abord de dépasser les stratégies actuelles de gouvernance et de gestion de la sécurité afin de les rendre compatibles avec les évolutions des organisations et de leur environnement. Cela passe par penser la sécurité de manière intégrative plutôt que selon un découpage juridictionnel : penser ensemble sécurité ET sûreté, risques naturels ET technologiques. 
La complexité croissante requestionne également l’équilibre entre les différents modèles de gestion des risques. S’il faut continuer à renforcer l’approche « classique » de gestion des risques basé sur l’anticipation, il convient au-delà de fournir un effort significatif sur le développement de modèles prenant mieux en compte la complexité et l’incertitude.

Il s’agit enfin de décliner cette approche au niveau organisationnel, en modifiant la manière dont sont structurées les organisations pour penser la sécurité. S’affranchir des frontières hiérarchiques et des approches chronologiques permettrait de garantir une meilleure réactivité face aux changements rapides. Oser mettre en place des « bulles d’innovation » transitoires pour expérimenter rapidement des solutions à des problèmes émergents, sortir de la vision de la sécurité comme une contrainte pour la voir au contraire comme génératrice d’opportunités, sont aussi des leviers intéressants. Enfin, à l’instar des autres enjeux stratégiques, il serait nécessaire de porter les questions de sécurité dans les hautes sphères décisionnelles.

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