Risques industriels et territoire

Les résultats de l'étude sociologique sur la participation citoyenne à Rouen Métropole

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Participation citoyenne : les résultats de l'étude sociologique à Rouen Métropole Participation citoyenne : les résultats de l'étude sociologique à Rouen Métropole

#2 Dossier - Risques industriels et territoires : quelle(s) instance(s) de participation citoyenne ?

Quelles sont les attentes de la population après l’accident de Lubrizol ? Quels sont les besoins des riverains en matière d’information et de formation ? Comment voient-ils l’instance citoyenne ? Autant de questions auxquelles l’étude sociologique, à la fois qualitative et quantitative, lancée au printemps 2022 visait à répondre. Retour sur les grandes tendances qui se dégagent de cette étude.

 

« Un point encourageant qui mérite d’être relevé, c’est le taux de complétion du questionnaire de l’enquête sociologique quantitative. Il est de 100 % ! Cela signifie que l’ensemble des répondants ont répondu aux vingt-cinq questions, certains ont même ajouté des commentaires. Cela montre une forte implication », souligne Marc Sénant, responsable savoir-faire & méthodes à l’Icsi.

 

Une demande de connaissances pratique

Un des points révélateurs de l’étude sociologique est la demande de formation sur les consignes de sécurité. Une étude datant de 2018 indiquait déjà que 60 % des personnes ne connaissaient pas ces consignes. Ils étaient 57 % selon une autre étude menée juste après Lubrizol.

Aujourd’hui, un tiers des riverains demande une connaissance pratique sur les comportements à adopter en cas d’accident. « Les outils d’information, comme les plaquettes ou le document d’information communal sur les risques majeurs (Dicrim), ne touchent pas leur cible. Il faut repenser la communication sur les consignes de sécurité. Il y a un réel besoin de montée en compétences. Les gens se posent des questions très concrètes et ils n’ont pas les réponses. Peu d’entre eux savent par exemple qu’un confinement en cas de nuage toxique implique de scotcher portes et fenêtres. On sait que l’être humain retient 10 % de ce qu’il lit mais 90 % de ce qu’il expérimente. Des ateliers pratiques avec des appartements témoins ou un camion ambulant avec un châssis de fenêtre où les riverains seraient amenés à colmater les entrées d’air permettraient de favoriser l’ancrage mémoriel », observe Marc Sénant.

Il s’agit de sujets complexes et anxiogènes, les actions avec une dimension psychologique ou cognitive ont plus d’impact. « Si l’on demande à un riverain de placer une petite maison rouge, comme celles du  Monopoly, symbolisant sa propre maison, sur une cartographie des zones d’accidents industriels, il aura une meilleure perception du risque, qui est le préalable à toute mobilisation du comportement », poursuit Marc Sénant.

Un des points révélateurs de l’étude sociologique est la demande de formation sur les consignes de sécurité.

Une demande d'information régulière et systématique

Pour entretenir la culture de la sécurité industrielle, les répondants souhaiteraient davantage d’information, plus régulièrement et tout au long de l’année. « 50 % des répondants estiment ne pas être suffisamment informés, ce qui se traduit par une demande accrue d’information pour 98 % des participants ! Les riverains veulent bien sûr être informés en cas d’accident mais aussi en cas de nuisances, telles que des odeurs ou des bruits. Ils nous ont beaucoup parlé des nuisances parce que cela fait partie de leur quotidien. Ils souhaitent de la transparence », souligne Marc Sénant.

Vers un dispositif de participation citoyenne à double détente

L’étude sociologique a confirmé que la population accueillerait favorablement une instance d’échange et de dialogue entre toutes les parties prenantes. Cela permet de dépasser les idées reçues, les tensions éventuelles et de s’inscrire dans une logique d’échanges apaisés et constructifs. Les riverains souhaitent des réunions trimestrielles sous format hybride, à la fois en présentiel et en visioconférence.

Certains seraient prêts à s’engager pour un an (40 %) ou deux (20 %), voire cinq ans (20 %). « Nous préconisons que cette instance comprenne une trentaine de personnes, dont 50 % de citoyens », indique Marc Sénant. Il faut que les parties prenantes réapprennent à se connaître, à dialoguer. Pour apporter un gage de confiance, l’animation devrait être confiée à un tiers médiateur qui ne soit pas issu du territoire et qui serait le garant de la répartition du temps de parole, etc.

Le dispositif de concertation pourrait proposer, coordonner et suivre un plan d’actions d’acculturation progressive, avec des initiatives très variées comme des visites de sites industriels, des conférences, des formations « nez », des serious games comme Riskopolis®, des ateliers ou de la réalité virtuelle. « Lors des dernières “Journées de la culture du risque” organisées par la Métropole Rouen Normandie du 12 au 16 octobre 2022, les enfants se sont rués sur le stand de réalité virtuelle. Nous avons pu plus facilement engager la discussion avec eux sur les risques à la maison, etc. Le dispositif de participation citoyenne pourra d’ailleurs à terme adopter une approche multirisque, le risque industriel étant une dimension au sein des aléas auxquels la Métropole Rouen Normandie peut être confrontée », précise Marc Sénant.

Adapter les actions au public cible

L’étude a permis de cartographier des attentes qui varient selon les zones géographiques. « C’est une véritable boussole qui va permettre de personnaliser les actions en fonction des publics-cibles, d’informer les populations sur ce qui les intéresse et les implique vraiment », souligne Marc Sénant. Par exemple, les habitants de Rouen, de Bois-Guillaume et de Mont Saint-Aignan, qui ont été impactés par le nuage de fumée, sont prioritairement intéressés par les effets sanitaires, la préparation à l’accident et les enjeux environnementaux.

 

Mobiliser sur la durée

Un des principaux défis va consister à mobiliser la population dans la durée. « Pour cela, il faut que tous les acteurs jouent le jeu, éviter les informations descendantes et trop techniques, créer des moments conviviaux, réussir à toucher les gens, réaliser des analyses sanitaires et anticiper le renouvellement des participants », conclut Marc Sénant.


Chiffres clés

  • 90 entretiens réalisés pour l’étude sociologique qualitative
  • 440 réponses au questionnaire en ligne de l’enquête quantitative sur la plateforme « Je participe ! »
  • 98 % des répondants demandent plus d’information préventive
  • 50 % des répondants souhaitent une information plus régulière
  • 60 % des répondants souhaiteraient une instance citoyenne qui se réunisse à un rythme trimestriel
  • 70 % des répondants souhaitent que les industriels y participent

 

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