Risques industriels et territoire

D’AZF à aujourd'hui : sur les territoires, une concertation citoyenne à relancer

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Ville de Feyzin Ville de Feyzin

L’accident de l’usine AZF à Toulouse a été à l’origine de nombreux dispositifs réglementaires, inscrits dans la loi Bachelot de 2003. L’objectif ? Faire de l’information des populations sur les risques majeurs un pilier des politiques de prévention, au même titre que la réduction du risque à la source, l’organisation des secours et la maîtrise de l’urbanisation. L’événement plus récent de Lubrizol à Rouen est de nature différente. Pour autant, le comportement immédiat des riverains du site - qui ne savaient ou ne comprenaient pas ce qui se jouait sur le site industriel - a bien démontré un essoufflement sur le volet de l’information et de la concertation.

 

 

| La sécurité se construit en temps de paix |

Éviter des réactions de panique ne se joue pas entièrement le jour de l’accident par une communication de crise qui serait adaptée et bien conduite. Les comportements des acteurs en temps de crise dépendent de la lente construction des liens « en temps de paix ». En 2002, le rapport du "Débat national sur les risques industriels" remis par Philippe Essig au Premier ministre suite à l’accident d’AZF cite l’exemple de l’éducation sismique au Japon où l’acculturation commence à l’école et se poursuit tout au long de la vie des citoyens. Presque 20 ans plus tard, l’ensemble des rapports émis suite à l’événement de Lubrizol insistent à nouveau sur la nécessité d’une culture de sécurité partagée entre acteurs industriels et acteurs externes dans le territoire, notamment les citoyens et les collectivités locales.

Aujourd’hui, 90% des Français se sentent mal informés sur les risques que présentent les installations industrielles et chimiques et 10% à peine affirment savoir comment réagir si un accident se produisait près de chez eux.

Extrait de la note de synthèse " Risques industriels : prévenir et prévoir pour ne plus subir", de la Commission d'enquête du Sénat suite à l'accident de Lubrizol.

C’était justement le but des dispositifs de concertation inscrits dans la loi Bachelot qui avaient permis de lancer une dynamique intéressante d’ouverture et de dialogue entre l’industrie et son territoire. Ainsi, les Comités locaux d’information et de concertation (CLIC) mis en place en 2003, puis les Commissions de suivi de site (CSS) qui leur ont succédé pour les sites Seveso, ont pour la plupart eu une activité soutenue lors de la mise en place des Plans de prévention des risques technologiques (PPRT). Cela a permis en particulier une meilleure maîtrise de l’urbanisme autour des sites industriels.

De nombreuses autres initiatives nationales (par exemple les tables rondes du risque industriel à la suite du Grenelle de l’environnement) ou plus locales ont ainsi vu le jour.  Mais en l’absence de grands accidents industriels pendant quinze ans, la vigilance et les interactions semblent s’être progressivement affaiblies.

| Relancer la concertation citoyenne : compléter l’approche règlementaire par une approche sociologique |

Le développement d’une culture de sécurité partagée entre les acteurs du territoire mériterait donc d’être relancée. Pour mieux intégrer les citoyens et développer une culture de sécurité partagée sur le territoire, l’Icsi et la Foncsi ont la conviction que la réglementation n’est pas suffisante et que les approches actuelles instaurent encore trop souvent une dynamique descendante et est vécue comme technocratique par la société civile.

Il est nécessaire de compléter le dispositif existant par une démarche plus sociologique, afin de prendre en compte la réalité des différents territoires en matière de perception des risques, de vécu, de psychologie, d’attentes des habitants.

La recherche scientifique sur la concertation citoyenne a mis en évidence la complexité des intérêts en présence, y compris pour un seul et même acteur : un riverain peut être à la fois salarié, propriétaire, parent d’élève, patient, porteur d’un engagement associatif, syndicaliste, élu, etc. Ce sont donc par de multiples interfaces que peuvent se tisser progressivement les liens entre un site industriel et son environnement.

En matière de participation citoyenne sur les risques industriels, des copier-coller ne peuvent pas fonctionner. Chaque territoire doit inventer des solutions adaptées, afin de renouer la confiance et le dialogue, et doit faire preuve de transparence. Cela ne se décrète pas, la concertation citoyenne se construit dans le temps.En matière de participation citoyenne sur les risques industriels, des copier-coller ne peuvent pas fonctionner. Chaque territoire doit inventer des solutions adaptées, afin de renouer la confiance et le dialogue, et doit faire preuve de transparence. Cela ne se décrète pas, la concertation citoyenne se construit dans le temps.

| Publication |

Participation citoyenne et risques industriels

Caroline Kamaté - Foncsi

Après un panorama et une analyse de la concertation sur les risques industriels en France, ce cahier propose des pistes pour engager une démarche de participation citoyenne. Le tout étayé d’exemples concrets et de paroles de riverains issus, entre autres, de la Conférence Riveraine de Feyzin, de la concertation lancée à Salaise-sur-Sanne, des travaux menés autour des PPRT dans le Dunkerquois…

Découvrir

 

| Sur les territoires, être proactif et inventer des solutions nouvelles |

La mise à disposition d’information ne suffit pas, il faut aller chercher le citoyen, être proactif, inventer des solutions nouvelles pour sensibiliser et développer une culture de sécurité industrielle dans la société civile. Beaucoup de
choses restent à faire, dans un souci d’apaisement, pour que chacun tienne compte des enjeux de l’autre et ensemble co-définir des projets de territoire.

 

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