Dialogue social

Dialogue social : les points clés pour coconstruire la sécurité

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Dialogue social : les points clés pour coconstruire la sécurité Dialogue social : les points clés pour coconstruire la sécurité

Développer une culture de sécurité intégrée passe par l’implication et la mobilisation de tous.  Le dialogue social revêt alors un enjeu central : il permet de coconstruire la sécurité en intégrant les différents acteurs de l’entreprise. Mais alors, qu’est-ce que le dialogue social ? Quels sont les facteurs de réussite ? Comment et pourquoi faire de la sécurité un thème central des discussions ? Entretien avec Maria Koutsovoulou, professeur de management à l’ESCP Business School et directrice de la chaire « Dialogue social et compétitivité des entreprises ».

 

Qu’est-ce que le dialogue social ?

M.K. Le stéréotype veut que le dialogue social soit cantonné à une relation de négociation - parfois conflictuelle - entre représentants des employeurs et représentants des salariés. Et ce, autour de sujets comme les rémunérations annuelles ou les conditions de travail par exemple.

Mais en réalité, le dialogue social est quelque chose de plus large : ce n’est pas uniquement de la négociation ! Selon la définition de l’Organisation internationale du travail (OIT), le dialogue social « inclut tous types de négociation, de consultation ou simplement d’échange d’informations ».

  • Au niveau institutionnel :  le dialogue social est une interaction tripartite entre les représentants du gouvernement, des employeurs et des travailleurs, et traite de toutes questions politiques et économiques ayant un impact sur le travail.
  • Au niveau des entreprises : le dialogue social est une relation de communication et d’interaction continue, un dialogue au quotidien. C’est aussi une relation tripartite comprenant les directions d’entreprises, les organisations syndicales ou représentants du personnel, mais aussi - et on y pense moins – les managers qui font partie de l’équation.

 

Pourquoi les managers sont-ils des acteurs clés du dialogue social ?

M.K. Par le dialogue social, représentants du personnel et représentants de la direction vont définir la vie de l’entreprise. Ils vont par exemple se mettre d’accord sur de nouvelles politiques ou sur l’organisation du travail.

La ligne managériale va être en charge d’appliquer sur le terrain les décisions issues du dialogue social. C’est la raison pour laquelle ils doivent être associés : ils sont des relais, des facilitateurs. Les managers vont avoir une responsabilité de conduite des équipes, d’organisation, de coordination, de planification, etc. Ils sont ceux qui vivent l’entreprise : ils sont sur le terrain et déclinent de manière opérationnelle la stratégie de l’entreprise.

Quelques bonnes pratiques pour les impliquer :

  • Penser la sécurité dans une démarche de coconstruction avec l’ensemble des acteurs de l’entreprise
  • Créer des espaces d’échange (réunions d’informations, intranet, etc.)
  • Partager un calendrier de dialogue social clair auprès de l’ensemble du corps social de l’organisation
  • Etc.

 

Comment intégrer la sécurité dans les discussions ?

M.K. La sécurité étant un objectif stratégique de l’organisation, cela doit non seulement être formulé comme tel, mais aussi faire partie du dialogue social. Et ce, sur les volets de la consultation et de l’information.  

Il est important que tous les partenaires sociaux puissent s’approprier le sujet et être associés aux discussions. Le but est de décliner la sécurité en objectifs stratégiques et opérationnels clairs, et de réaliser un suivi des actions décidées.

Quels sont les facteurs de réussite du dialogue social ?

1. Avoir des marges de manœuvre

Des études se sont intéressées à l’analyse des interactions entre les différents partenaires sociaux. Elles ont représenté l’impact du contexte du dialogue social sous le terme de « température » :

  • Une température haute correspond à un contexte où les partenaires sociaux vont avoir des marges de manœuvre pour négocier, coconstruire efficacement avec les autres parties. Les facteurs qui augmentent la température : une économie forte, une communication fluide entre les parties prenantes, la confiance, etc.
  • Une température basse décrit un contexte où les acteurs sont tenus de respecter les positions de leurs groupes d’appartenance et ont peu de marges de manœuvre. Dans ce contexte, les acteurs sont figés, campent sur leurs positions initiales, ce qui empêche un dialogue social coopératif. Les facteurs qui diminuent la température : de mauvais résultats financiers, une forte centralisation des décisions, un manque d’identification, etc.

2. Etablir une relation de confiance et de transparence

De nombreuses études montrent l’importance de la confiance entre les acteurs dans l’efficacité à court, moyen et long terme du dialogue social. Cette relation de confiance est déterminante et va fluidifier les interactions. La transparence est également un élément très important pour générer de la confiance.

Cette confiance peut parfois exister en coulisse. En France, le dialogue social et la négociation collective ne se passent jamais dans la salle de négociation. Tout se passe avant ! Les acteurs sociaux vont faire des rencontres bilatérales en amont et la « messe est dite » quand on arrive en salle de négociation.

L’histoire de la stratégie du « café d’en face »

En 2007, 2008, il y avait une vague de suicides médiatisées chez France Télécom. L’Union Européenne a demandé à la France de légiférer sur les risques psychosociaux dans le secteur public. Une phase de dialogue social a alors démarré.

Avant les réunions de négociation, des représentants de différents syndicats se rendaient au café en face du lieu de la réunion… au début sans se parler, simplement pour prendre un café. Puis, ils ont peu à peu commencé à échanger et ont finalement décidé de faire alliance et de préparer des positions communes, sans en parler à leurs centrales. Cette coconstruction leur a permis de préparer des propositions très qualitatives, a renforcé leurs positions dans les négociations, et a abouti à un accord signé par toutes les parties.

 

Comment sortir des stéréotypes attribués au dialogue social ?

M.K. On peut sortir des stéréotypes inter-groupes par l’expérience et le contact. Plus on est en contact avec l’autre, plus on voit que nos idées préconçues n’ont pas lieu d’être. Pour réussir, il est nécessaire de savoir réinterroger ses croyances et de se remettre en question au niveau collectif.

Enfin, dépasser les stéréotypes passe par l’adoption d’objectifs communs et partagés qui nous rassemblent et qui nous rappellent le sens de notre action. La sécurité est ainsi un sujet idéal pour construire durablement un dialogue social parce qu’il est rassembleur et non-négociable.

 

 

Un groupe d'échange à l'Icsi

Le groupe d'échange "Dialogue social et culture de sécurité" réfléchit, échange et partage sur les conditions nécessaire pour faire une dialogue social un éléments clés des politiques de sécurité.

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